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mercredi 14 mars 2012

Le cinéma, un paradoxe havrais

La décennie écoulée nous l'a intimé, Le Havre est une ville de cinéma. On ne compte plus le nombre de tournage ayant pour décors les rues du projet de ville imaginé par l'architecte Perret. Le dernier en date, sorti cette semaine dans les salles obscures, est un film de Lucas Belvaux, intitulé 38 Témoins. L'année passée, le cinéaste finlandais Aki Kaurismäki a transporté sa bobine, éponymement intitulée Le Havre, de la Porte Océane à la sélection officielle du festival de Cannes. Plus axées grand public, on se souvient également des comédies La Beuze (2002) et Disco (2008), portées respectivement par les acteurs et humoristes Mickaël Youn et Franck Dubosc.

La télévision, elle aussi, s'intéresse à l'ambiance singulière dégagée par notre ville. Diffusée récemment sur France 2, la série Deux flics sur les docks rempile pour une deuxième saison. Les enquêtes policières, dirigées en duo par Jean-Marc Barr et Bruno Solo, sont actuellement tournées en extérieur. Le dessinateur-blogueur Julien, bien connu de la twittosphère havraise, a d'ailleurs eu l'occasion de participer, en tant que figurant, à la réalisation d'une de ces scènes.

Oui mais voilà. Si la production cinématographique y semble florissante depuis plusieurs années, il n'en est pas de même de la projection et de l'exploitation des films dans les salles obscures havraises. La fréquentation n'est pas en cause, loin de là. Seul cinéma grand publique de la place, le Gaumont des Docks Vauban réalise sûrement un chiffre d'affaire confortable, eut égard au prix élevé d'une place plein tarif (plus de dix euros) et à l'affluence constatée dans la file d'attente le samedi soir. Bien sûr, me direz-vous, il y a également le Sirius, proche de la gare et de l'université. Certes. Mais force est de constater que ce petit cinéma d'art et d'essai aux locaux d'apparence extérieure vétuste n'a pas les armes nécessaires pour rivaliser avec le mastodonte de la distribution cinématographique. 

Il est donc seul. Oui. Le Gaumont des Docks Vauban est le seul cinéma grand public du Havre, ville de 177 259 habitants, dans une agglomération qui en compte 243 348. Et la solitude de cet exploitant se fait lourdement sentir. Comme le signale très justement sur son blog Christophe, alias Lhupus, le rapport qualité-prix des prestations proposées par le gestionnaires de ces salles laisse à désirer. D'autant que depuis le premier janvier dernier, les tarifs ont encore augmenté. Il faut en effet compter un euro supplémentaire pour une entrée bénéficiant d'un tarif préférentiel, soit six euros. Et ce, sans évoquer l'immanquable bonus 3D. Un peu de concurrence ne ferait pas de mal dans ce secteur d'activité...

Sur le blog d'un élu local, dont le contenu est tout aussi intéressant que les commentaires laissés presque sans modération, on apprend que le Sirius doit faire l'objet d'une rénovation. "La restructuration du cinéma havrais est en marche", nous dit-on. Les commentateurs semblent sceptiques et dubitatifs. Certes, l'ancien multiplexe de Montivilliers sera transformé en cinéma communautaire, offrant 4 salles supplémentaires aux autochtones locaux, sous la houlette de Noé Cinémas, mais est-ce que ceci sera suffisant ?

Sincèrement, je ne pense pas. J'ai un profond respect pour Noé Cinémas, eut égard à ce qu'ils ont récemment accompli, notamment depuis la réouverture de l'Omnia à Rouen. Mais clairement, ils ne se positionnent pas sur le même créneau. A mon sens, seul un groupe national comme UGC, en proposant un service de qualité, en exploitant un équipement IMAX, et en pratiquant une politique tarifaire clémente envers les cinéphiles, pourrait instaurer la nécessaire concurrence en matière d'exploitation cinématographique au Havre. Une petite fée pourrait-elle me prêter sa baguette ?


« Le Havre porte la trace d’un grand projet humain, esthétique et moderniste, un peu comme le communisme : on sent que quelqu’un a pensé à faire vivre les gens ensemble. » D.Abel, un des réalisateurs de La Fée.

3 commentaires:

LucasL a dit…

C'est évident, comme je le disais au twapéro la semaine dernière à paris, le ciné c'est 4€ pour les -26 ans, et on n'a pas l'impression d'être traité à la chaîne, l'accueil y est bien meilleur.
Autre chose qui manque cruellement au Havre : les films en VOST. Je suis sûr que de nombreux havrais irais à ces séances

Julien a dit…

L'offre de cinéma actuelle du Havre n'est que le résultat d'un déficit de clientèle dans la région. Je vous passe le registre de l'âge d'or que je n'ai pas connu où le téléviseur n'avait pas encore remplacé le cinéma. Et que l'on pouvait en trouver dans de nombreux quartiers.

Mais je peux parler d'un époque, que j'ai connue, où, en région havraise, c'était deux Gaumont (Montivilliers qui est devenu Boulanger après leur déménagement au Docks Vauban) et boulevard de Strasbourg (actuellement, des bureaux), un UGC (avenue Foch, devenu par la suite les Clubs, désormais fermés), l'Éden (au sein de la Maison de la Culture, lui aussi fermé) et le Sirius (qui n'était déjà plus un porno). Peut-être y avait-il aussi le Studio, je ne sais pas quand il a ouvert, à l'époque, le cinéma d'auteurs ne m'intéressait pas vraiment.

Alors, que s'est-il passé en moins de quinze ans ? Tout simplement, une baisse de la fréquentation. Je me souviens avoir lu un article dans la presse à l'époque : proportionnellement à la population, Le Havre était l'une des villes de France où la fréquentation des cinémas étaient la plus faible.

Je n'ai pas les chiffres et je ne suis pas à la place des exploitants. Mais on peut alors comprendre la volonté de l'UGC de partir et de Gaumont de réduite son nombre de salles.

Avenue Foch, nous l'avons dit, les Clubs ont remplacé d'UGC, avant de fermer l'année dernière. Pourquoi ? La Ville avait racheté les murs et l'exploitant avait une convention permettant notamment de soustraire à son loyer les éventuels investissements et rénovations qu'il y ferait. À ma connaissance, rien n'a été fait et les salles se dégradaient, entre accoudoirs manquants et ménage non fait entre les séances. Pour un cinéma qui se voulait familial et donc sur la même ligne que Gaumont, je peux comprendre que la population ait préféré ce dernier, surtout suite à son déménagement aux Docks Vauban, offrant alors (à l'époque) un confort inédit au Havre.

1/2

Julien a dit…

2/2

L'Éden, cinéma public d'art et d'essai à lui aussi été fermé ces dernières années. On a dit que cela était en rapport avec la restructuration de la Maison de la Culture, de pair avec la fermeture définitive du Petit Volcan et la rénovation du Grand. Pourtant, l'Éden a fermé bien avant le début des travaux. Là aussi, un manque de fréquentation ? La salle était vieillissante, peu confortable et surtout mal conçu avec un pente que j'ai toujours trouvé trop faible.

Le Sirius bénéficie à son tour des faveur de la Ville. L'ensemble va être totalement refait pour ouvrir un véritable Pôle cinéma. J'en attends les résultats. Mais il possède déjà de bons atouts géographiques, entre Université et Conservatoire.

Reste donc le Gaumont dont le service a semble-t-il diminué ces derniers mois. Contrairement à ce que l'on pourrait croire depuis le début de mon intervention, je ne vais pas souvent au cinéma ! J'ignore dans quelle mesure la fréquentation se situe au Havre actuellement et si le Gaumont s'en porte bien. Bien souvent, une baisse de la qualité de service provient d'un déficit de fréquentation. Mais c'est bien évidemment à eux d'inverser la tendance et de ne pas entrer dans le cercle vicieux.

Enfin, je ne connaissais pas le projet de Montivilliers. Je demande à voir avant de juger. Par contre, je ne pense pas qu'il se trouvera là où était le multiplexe qui est actuellement devenu Boulanger. L'article de Marc Migraine indique qu'il compensera la perte d'offres pour les Montivillions (je crois même que lors du déménagement du Gaumont, la Mairie avait évoqué reprendre l'exploitation du lieu de la Lézarde, mais je ne l'affirmerai pas à 100%) mais ne parle pas de l'emplacement.

Notons enfin, pour revenir à la première partie de l'article, qu'un livre est paru en fin d'année sur les films tournés au Havre : "LH confidential - Le Havre fait son cinéma" publié chez Magellan & Cie dont on peut voir une présentation sur leur site : http://www.editions-magellan.com/livre/241-lh-confidential

Et pour finir, puisque tu m'as si gentiment nommé dans cette article, toujours pour ceux que cela intéresse, j'ai publié un article sur les décors du film "Le Havre" de Aki Kaurismäki (film suite auquel Christophe et moi avons eu quelques débats houleux !) J'avais voulu faire cet article car, justement, Kaurismäki nous a offert sa vision de la ville et même le Havrais peut se perdre dans sa ville, surtout lorsqu'il est guidé par un Finlandais ! Le lien vers l'article : http://julienauquotidien.over-blog.fr/article-le-havre-d-aki-kaurismaki-97837045.html